[Monologue sur notes de piano]
Pour donner une réponse groupée à la multitude de messages Facebook que j'reçois des personnes qui critiquent vivement mon silence concernant les affaires des bavures policières de Théo et Adama... Je vais m'exprimer du fond du cœur, respectueusement sur ces deux tristes événements, qui ont du poids. Et je m'exprimerais, sans langue de bois
La deuxième chanson que j'ai enregistrée dans ma vie date de 1999. J'avais 17 ans. Quand les jeunes de mon quartier, vos quartiers, passaient leur temps à parler avec fascination du dernier braquage extraordinaire que relatait Le Parisien. Quand ils squattaient les halls, y fumaient du "shit", sans respect pour les mères de leurs voisins qui devaient obligatoirement traverser ces halls après d'exténuantes journées de travail, ingrat, pour rejoindre leurs appartements. Où les poignées de porte n'duraient même pas deux ans. Où elles y élevaient de nombreux enfants dans une précarité scandaleuse. Quand certains prônaient dans leur rap que "seul le crime paie", sans se soucier de l'impact forcément négatif que ça aurait sur les leurs, vos, nos petits frères
Moi j'ai fait cette deuxième chanson de ma vie du haut de mes 17 ans, en dénonçant les bavures policières qui sont souvent une résultante de nos propres comportements, ou activités illégales
Pour commencer, j'ai une chose primordiale à rappeler aux jeunes des quartiers dont j'ai fait partie. Des jeunes que j'ai défendus. Des jeunes pour qui j'ai pris des risques mortels, physiques et sociaux. Ces jeunes que j'ai défendus jusqu'à leurs conneries, avant, et durant mes 10 années d'activisme dans l'monde du rap. Je n'renie pas avoir été un jeune de banlieue, de quartier, de cité. Je n'renie pas qu'j'en ai ressenti les frustrations et autres injustices policières. Tous ces faits et toutes ces frustrations ont façonné mon mental, mon objectivité, et même ma direction spirituelle actuelle
J'aimerais néanmoins rappeler que nous-autres jeunes africains, sommes venus ou nés en France pour la plupart parce que nos parents ont décidé de fuir une vie difficile, c'est un fait ! Leurs parents, nos parents, vos parents... Ces personnes respectables et "travailleurs" qui ont, une fois en France, accepté des emplois limites humiliants, et qui ont dû se taire face aux invectives de leurs chefs d'entreprises qui les traitaient comme des moins que rien, pour remplir nos frigos. Ces parents qui nous ont toujours dit "vas à l'école", "ne traîne pas avec des voyous, ni des dealers", "ne vole pas", "ne fume pas de shit", "le jour où tu vas en prison, tu n'es plus mon fils"... Ces parents décontenancés face à nos esprits rebelles, qui pour nous protéger d'une future précarité, la prison, la mort, allaient jusqu'à nous frapper aussi fort que la police elle-même, en vain. Nous sommes dans l'obligation de les honorer, et de ne pas les décevoir. C'est même un des ordres les plus fermes du Coran : "Honorer ses parents"
J'ai grandi. Je ne suis plus un jeune aux réactions épidermiques. Ce jeune dans la violence gratuite, qui n'a pas un sens du jugement concret sur la société, et ne voit pas plus loin que le bout de son hall. Il faut être objectif : quand tu traînes avec des dealers ou les défends, aussi amical et sincère soit ce geste, tu désobéis et snobe les Paroles de tes parents et d'Allah car tu ne les honore pas ! En tant que jeunes de quartiers, on doit et devrait tous bouger les uns pour les autres ? Pfff... Ha !
Moi, en 2006, au courant de l'élaboration de mon premier projet musical "Les sirènes du charbon", au lieu de viser le disque d'or, au lieu de mettre un joli cuir, un beau "501" pour faire la photo de la pochette de mon disque sur laquelle j'aurais été "beau gosse", j'ai préféré défendre les quartiers, et les injustices sociales, raciales, et policières qu'on y subissait en les illustrant d'une pochette qui n'était autre qu'une photo d'un jeune garçon "black", de 7 ou 8 ans, sur son vélo, entouré de CRS, comme s'il représentait un putain d'danger ! J'ai lourdement insisté auprès de mon producteur pour utiliser cette photo qui représentait une situation réelle, qui circulait sur le net. Et j'ai lourdement insisté pour ne pas la substituer d'une mise-en-scène photographique, ou d'une trompeuse photo "montage". Je devais avoir 23 ans quand j'ai fait ce choix militant. Cette pochette m'a coûté une amende des syndicats de police de 40.000 Euros, qui ne sont jusqu'aujourd'hui toujours pas "réglés"
Ils étaient où les jeunes pour qui je me battais comme un dingue dans ce projet ? Ces jeunes pour qui j'ai dit : "fuck le disque d'or", "fuck les radios", "fuck l'argent"...! On est dans une souffrance insupportable, et j'ai le devoir de la dénoncer. Ils m'ont défendu ? Ils ont manifesté pour moi ? Ils ont organisé des concerts pour je ne puisse plus être "justiciable" ? Nan ! Nan...
J'en ai été déçu. J'ai pris sur moi, et j'ai durant les quatre années qui ont suivi ce premier projet jusqu'à la commercialisation du second, Convictions Suicidaires, défendu les quartiers comme un fou ! Malgré mes poches vides, à en perturbé ma vie, mon calme, et ma santé au passage. J'ai juste fait mon devoir, et je n'ai jamais déploré le manque de solidarité dans la moindre interview à mon égard, de ces jeunes des quartiers pour qui je négligeais l'argent et le succès. J'ai fait mon devoir. Je n'en suis pas devenu aigri, et je ne demande pas de médaille non-plus, vous me connaissez...
Concernant la masse de rappeurs hypocrites et opportunistes à la recherche du moindre fait d'actualité pour pointer le bout de leur nez, figurer auprès des familles, caméras et appareils photos à l'appui. Ces rappeurs qui attendent la moindre bavure policière pour s'insurger publiquement sans pudeur à l'égard des familles des défunts, ou des agressés. Ces rappeurs que je qualifierais sans concession de vautours, car ils viennent manger sur les cadavres pour faire leurs promos. Et le reste de l'année, ils font des chansons soit "à l'eau de rose", soit pleines de violence et de kalachnikovs dans les clips, avec lesquels ils menacent de "rafaler" tout-le-monde, y compris vous qui les écouter. Ces kalachnikovs qu'ils n'utilisent bien évidemment pas contre la police quand y'a des bavures...
...Tous ces rappeurs, ne me demandez pas de me joindre à eux...
...Organisez un concert pour alléger les frais des avocats des familles : je suis pour ! Mais hors caméra...
Pour donner une réponse groupée à la multitude de messages Facebook que j'reçois des personnes qui critiquent vivement mon silence concernant les affaires des bavures policières de Théo et Adama... Je vais m'exprimer du fond du cœur, respectueusement sur ces deux tristes événements, qui ont du poids. Et je m'exprimerais, sans langue de bois
La deuxième chanson que j'ai enregistrée dans ma vie date de 1999. J'avais 17 ans. Quand les jeunes de mon quartier, vos quartiers, passaient leur temps à parler avec fascination du dernier braquage extraordinaire que relatait Le Parisien. Quand ils squattaient les halls, y fumaient du "shit", sans respect pour les mères de leurs voisins qui devaient obligatoirement traverser ces halls après d'exténuantes journées de travail, ingrat, pour rejoindre leurs appartements. Où les poignées de porte n'duraient même pas deux ans. Où elles y élevaient de nombreux enfants dans une précarité scandaleuse. Quand certains prônaient dans leur rap que "seul le crime paie", sans se soucier de l'impact forcément négatif que ça aurait sur les leurs, vos, nos petits frères
Moi j'ai fait cette deuxième chanson de ma vie du haut de mes 17 ans, en dénonçant les bavures policières qui sont souvent une résultante de nos propres comportements, ou activités illégales
Pour commencer, j'ai une chose primordiale à rappeler aux jeunes des quartiers dont j'ai fait partie. Des jeunes que j'ai défendus. Des jeunes pour qui j'ai pris des risques mortels, physiques et sociaux. Ces jeunes que j'ai défendus jusqu'à leurs conneries, avant, et durant mes 10 années d'activisme dans l'monde du rap. Je n'renie pas avoir été un jeune de banlieue, de quartier, de cité. Je n'renie pas qu'j'en ai ressenti les frustrations et autres injustices policières. Tous ces faits et toutes ces frustrations ont façonné mon mental, mon objectivité, et même ma direction spirituelle actuelle
J'aimerais néanmoins rappeler que nous-autres jeunes africains, sommes venus ou nés en France pour la plupart parce que nos parents ont décidé de fuir une vie difficile, c'est un fait ! Leurs parents, nos parents, vos parents... Ces personnes respectables et "travailleurs" qui ont, une fois en France, accepté des emplois limites humiliants, et qui ont dû se taire face aux invectives de leurs chefs d'entreprises qui les traitaient comme des moins que rien, pour remplir nos frigos. Ces parents qui nous ont toujours dit "vas à l'école", "ne traîne pas avec des voyous, ni des dealers", "ne vole pas", "ne fume pas de shit", "le jour où tu vas en prison, tu n'es plus mon fils"... Ces parents décontenancés face à nos esprits rebelles, qui pour nous protéger d'une future précarité, la prison, la mort, allaient jusqu'à nous frapper aussi fort que la police elle-même, en vain. Nous sommes dans l'obligation de les honorer, et de ne pas les décevoir. C'est même un des ordres les plus fermes du Coran : "Honorer ses parents"
J'ai grandi. Je ne suis plus un jeune aux réactions épidermiques. Ce jeune dans la violence gratuite, qui n'a pas un sens du jugement concret sur la société, et ne voit pas plus loin que le bout de son hall. Il faut être objectif : quand tu traînes avec des dealers ou les défends, aussi amical et sincère soit ce geste, tu désobéis et snobe les Paroles de tes parents et d'Allah car tu ne les honore pas ! En tant que jeunes de quartiers, on doit et devrait tous bouger les uns pour les autres ? Pfff... Ha !
Moi, en 2006, au courant de l'élaboration de mon premier projet musical "Les sirènes du charbon", au lieu de viser le disque d'or, au lieu de mettre un joli cuir, un beau "501" pour faire la photo de la pochette de mon disque sur laquelle j'aurais été "beau gosse", j'ai préféré défendre les quartiers, et les injustices sociales, raciales, et policières qu'on y subissait en les illustrant d'une pochette qui n'était autre qu'une photo d'un jeune garçon "black", de 7 ou 8 ans, sur son vélo, entouré de CRS, comme s'il représentait un putain d'danger ! J'ai lourdement insisté auprès de mon producteur pour utiliser cette photo qui représentait une situation réelle, qui circulait sur le net. Et j'ai lourdement insisté pour ne pas la substituer d'une mise-en-scène photographique, ou d'une trompeuse photo "montage". Je devais avoir 23 ans quand j'ai fait ce choix militant. Cette pochette m'a coûté une amende des syndicats de police de 40.000 Euros, qui ne sont jusqu'aujourd'hui toujours pas "réglés"
Ils étaient où les jeunes pour qui je me battais comme un dingue dans ce projet ? Ces jeunes pour qui j'ai dit : "fuck le disque d'or", "fuck les radios", "fuck l'argent"...! On est dans une souffrance insupportable, et j'ai le devoir de la dénoncer. Ils m'ont défendu ? Ils ont manifesté pour moi ? Ils ont organisé des concerts pour je ne puisse plus être "justiciable" ? Nan ! Nan...
J'en ai été déçu. J'ai pris sur moi, et j'ai durant les quatre années qui ont suivi ce premier projet jusqu'à la commercialisation du second, Convictions Suicidaires, défendu les quartiers comme un fou ! Malgré mes poches vides, à en perturbé ma vie, mon calme, et ma santé au passage. J'ai juste fait mon devoir, et je n'ai jamais déploré le manque de solidarité dans la moindre interview à mon égard, de ces jeunes des quartiers pour qui je négligeais l'argent et le succès. J'ai fait mon devoir. Je n'en suis pas devenu aigri, et je ne demande pas de médaille non-plus, vous me connaissez...
Concernant la masse de rappeurs hypocrites et opportunistes à la recherche du moindre fait d'actualité pour pointer le bout de leur nez, figurer auprès des familles, caméras et appareils photos à l'appui. Ces rappeurs qui attendent la moindre bavure policière pour s'insurger publiquement sans pudeur à l'égard des familles des défunts, ou des agressés. Ces rappeurs que je qualifierais sans concession de vautours, car ils viennent manger sur les cadavres pour faire leurs promos. Et le reste de l'année, ils font des chansons soit "à l'eau de rose", soit pleines de violence et de kalachnikovs dans les clips, avec lesquels ils menacent de "rafaler" tout-le-monde, y compris vous qui les écouter. Ces kalachnikovs qu'ils n'utilisent bien évidemment pas contre la police quand y'a des bavures...
...Tous ces rappeurs, ne me demandez pas de me joindre à eux...
...Organisez un concert pour alléger les frais des avocats des familles : je suis pour ! Mais hors caméra...
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